Liverdun, bourg (Meurthe-et-Moselle)
Créateur
Histoire et Cultures de l'Antiquité et du Moyen Âge (EA1132 / HISCANT-MA) - Université de Lorraine
Date
2018
Droits
Copyright 2020
Identifiant
Presentation du Site
1. Le site
Liverdun se situe sur le plateau calcaire constitué par le revers de la Côté de Moselle à 5 km à l'ouest du front de côte. L'érosion a incomplètement dégagé un éperon qui contraint le cours d'eau à décrire un méandre prononcé vers l'ouest. Cet éperon se rattache au plateau par un isthme large de 30 m et dessine un promontoire qui s'élargit du nord au sud passant de 30 m à 300 m de largeur pour une longueur de 300 m. La surface de l'éperon se divise en deux parties. Au nord, une partie plane, à environ 255 m d'altitude occupe les deux tiers de l'espace. Le secteur sud-ouest s'accroche au sommet du coteau entre 233 m et 250 m d'altitude. La surface totale de l'éperon avoisine les 4.5 ha, il domine de 50 m le cours de la Moselle et présente une pente à 80% à l'ouest pour 44% au sud. Le coteau oriental surplombe un vallon sec avec une pente de 31%. La topographie offre un remarquable refuge naturel et on comprend qu'il attira les hommes dès la période protohistorique comme l'atteste le toponyme constitué du préfixe Libérius (nom d'homme gallo-romain) et du suffixe dunum (forteresse gauloise). Toutefois, la proximité de l'oppidum de Villey-Saint-Étienne distant d'à peine 7 km à l'ouest et de la cité de Toul, constitua une occurrence trop forte pour permettre l'essor de Liverdun qui se trouvait à l'écart de la voie romaine dirigée vers Metz.
2. Occupation durant le Haut Moyen-âge
Les lieux furent occupés à l'époque mérovingienne comme l'atteste la présence d'une nécropole sur la rive droite de la Moselle et d'une seconde sous la gare actuelle. Le village se développa au pied du coteau et fut doté d'une église-mère dédiée à Saint-Martin dont dépendaient les villages de Pompey, Rosières-en-Haie et Saizerais.
Les incursions normandes en 887 puis les raids des hongrois en 917 et 951-954 incitèrent les habitants à se réfugier sur le promontoire avec l'assentiment des autorités. En effet, la terre de Liverdun qui appartenait au domaine public fut donnée aux évêques de Toul par un prince carolingien ou par le roi de Germanie après l'annexion de la Lorraine à ce royaume en 925. À titre de comparaison, rappelons que le domaine de Gondreville fut donné à l'évêque en 929.
L'évêque Gauzelin (922-962) donna la cure de Liverdun et ses dépendances à l'abbaye de Bouxières-aux-Dames qu'il fonda en 953. De même, il fit exhumer le corps de Saint-Euchaire, martyrisé au VIe siècle et inhumé dans la nécropole de Pompey pour le placer dans une nouvelle chapelle construite par ses soins sur le promontoire de Liverdun. Les reliques devaient assurer la protection du lieu et furent à l'origine d'un culte populaire et d'un pèlerinage.
Mais le village ne connut aucun développement particulier malgré la construction d'un pont sur la Moselle et, au XIIe siècle, il était aux mains d'un lignage de chevaliers originaires du hameau de Saint-Vast distant d'une dizaine de kilomètres et à présent disparu.
3. La naissance d'une ville neuve
Au milieu du XIIe siècle, le contexte géopolitique de la région connut un profond changement et plaça Liverdun au centre de vives rivalités.
En 1147, le duc de Lorraine Mathieu II s'empara par la force de Gondreville et y édifia un château illégal. Cette offensive menaçait directement la cité touloise et risquait de la couper de ses possessions le long de la Moselle jusqu'à Pompey. L'évêque Pierre de Brixey réagit avec méthode face à cette menace.
Entre 1165 et 1171, il racheta les biens et les droits des sires de Saint-Vast. En 1169, il confia la chapelle Saint-Euchaire aux moines de l'ordre des Prémontrés de Rangéval qui édifièrent une exploitation agricole à côté, preuve que le promontoire n'était pas urbanisé. L'évêque réussit à obtenir l'accord du duc de Lorraine et de l'évêque de Verdun pour pouvoir fortifier l'éperon de Liverdun qualifié d'oppidum. Puis il passa un traité avec son redoutable voisin, le comte de Bar, qui finança en partie la dépense et obtint le droit de participer à la défense de la nouvelle forteresse en y plaçant une garnison et de l'utiliser pour la défense des intérêts du comté lors de conflits avec ses ennemis. Ces négociations furent menées entre 1176 et 1178.
En 1178, tous les intéressés se retrouvèrent à l'assemblée publique (diète) de Besançon présidée par l'empereur Frédéric Ier Barberousse qui autorisa officiellement l'évêque à fortifier Liverdun et lui accorda le droit de battre monnaie. L'évêque prit aussitôt une nouvelle initiative destinée à peupler la forteresse. Il s'inspira des procédés qui apparaissaient dans le domaine des rois de France et en Champagne et qui consistaient à fonder une "ville neuve". En 1178, il promulgua une charte de franchises, la première en Lorraine, qui réduisait les impôts et fixait le tarif des amendes judiciaires. En 1191, une seconde charte compléta le détail des droits et des devoirs de l'évêque et des habitants. Les avantages accordés attirèrent les colons en nombres et assurèrent le peuplement de la ville nouvelle qui se juxtaposa à l'ancien village.
En 1184, l'ancienne chapelle fut remplacée par une église collégiale. En 1337, les habitants reçurent une troisième version de la charte de franchise. En 1332, l'évêque de Toul racheta les droits de protection du comte de Bar sur Liverdun et s'assura le contrôle exclusif. Jusqu'au milieu du XIVe siècle, la petite cité ne connut pas de danger particulier mais tout changea à partir de 1360.
La région lorraine fut touchée par les conséquences de la guerre franco-anglaise et entraînée dans le conflit. En 1458, l'évêque dut quitter la ville de Toul sous la menace des bourgeois et vint s'installer dans le château de Liverdun. En 1467, Liverdun était comme les autres places fortes de l'évêché de Toul sous le contrôle des troupes du duc de Bourgogne. Sa garnison lança une attaque contre le château lorrain de Custines et l'endommagea gravement. En représailles, les lorrains vinrent mettre le siège devant Liverdun, s'en emparèrent, incendièrent la ville, démolirent le château et démantelèrent les remparts.
En 1552, Liverdun devint française mais elle subit une seconde destruction en 1587 par des troupes protestantes venues d'Allemagne. Ce fut la dernière épreuve subie par la petite cité avant la Guerre de Trente Ans.
4. Topographie de la ville basse
Elle s'accroche au flanc du coteau tourné vers le sud et bénéficie d'une excellente exposition qui la prédispose aux activités viticoles. Elle dessine un quadrilatère de 170 m de long sur une largeur allant de 85 m au nord à 140 m au sud soit environ 2 ha.
Dès 1178, ce village qui constituait le centre originel de peuplement fut considéré comme un faubourg de la ville neuve. Il disposait de l'église paroissiale Saint-Martin entourée du cimetière. En 1183, l'évêque la donna aux moines de l'abbaye de Rangéval avec un terrain voisin pour y bâtir une maison et un four à pain en échange des biens auxquels ils avaient renoncé autour de la chapelle Saint-Euchaire. Le bourg disposait également d'un moulin sur la Moselle, d'un pont reconstruit en 1177, d'un hospice pour les pèlerins connu dès 1228 et d'un marché fondé en 1264.
La défense était assurée par une enceinte sur trois côtés dont le tracé correspond à l'arrière des habitations sur le cadastre de 1832. Le côté ouest était naturellement protégé par la falaise et comportait une poterne qui conduisait au moulin. Le côté sud, correspondant au pied de la côte fut doté d'un mur renforcé aux angles par deux tours quadrangulaires de 5 m de côté et d'une porte fortifiée connue par une gravure de 1843. Il en subsiste un montant inclus dans le mur d'une maison. La porte était défendue par une tour de 8 m sur 5 surmontée de mâchicoulis. Le côté oriental bénéficiait de la pente comme protection et d'un mur qui conserve une tour demie circulaire de 4 m de diamètre.
Le quartier a conservé de nombreuses maisons des XVIe et XVIIIe siècles.
5. La ville haute
A. L'enceinte
Elle était protégée par une enceinte longue de 950 m au tracé irrégulier adapté au sommet du talus. Le mur de 1.5 m à 2 m reste lisible sur l'ensemble du périmètre mais a subi d'incessantes restaurations et reconstructions.
Le côté ouest ne possédait pas de tours de flanquement en raison de la protection naturelle de la falaise et la courtine servait de véritable mur de soutènement aux constructions qui bordaient le talus.
Le côté sud comportait 6 tours demis circulaires et le côté est trois tours. En utilisant les numéros figurant sur le plan on peut les individualiser.
N°5. Tour d'angle en saillie de 4.5 m et de 8 m de diamètre hors-d'œuvre, haute de 10 m, construite en petits moellons calcaires noyés dans un abondant mortier de chaux. On y observe de petites fenêtres chanfreinées et des trous pour petites armes à feu du type mousquet facilement datables du XVIe siècle.
N° 6. La tour dite "de la Cagnotte" de plan ovoïde (9 m sur 7 m) se compose d'une base haute de 4 m pourvue d'un empâtement soigneusement assisé. Ce niveau présente deux archères à étrier triangulaire datables du XIVe siècle derrière lesquelles se trouvait une salle à présent comblée. Les niveaux supérieurs sont des reconstructions plus tardives. Le premier niveau date du XVIe siècle comme le montre le mode de construction du mur et les trois ouvertures de tir pour armes à feu. Le second niveau a été aménagé en chambre pour la famille Corbin et le dernier niveau est une reconstruction du début du XXe siècle.
N°4. La Porte en Mi assurait le passage entre les deux parties de la ville. À 15 m à l'est de cette porte se trouvait une tour qui a disparu avec la construction de l'ancienne école primaire.
N°7. Tour de 8 m de diamètre avec des murs épais de 2 m. La base est appareillée. Le rez-de-chaussée se compose d'une seule pièce voûtée en coupole avec une porte donnant sur l'extérieur ; les parties supérieures ont été transformées en appartements et le crépi empêche toute observation.
N°8. Tour demi-circulaire de 8 m de diamètre et murs appareillés de 2 m de largeur conservés sur une hauteur de 5 m.
N°9. Tour d'angle fortement remaniée. La base a été épaissie et les parties supérieures reconstruites dès l'Époque moderne.
N°10. Tour circulaire de 8 m de diamètre en partie masquée par des constructions récentes. Les murs sont appareillés.
N°11. Tour circulaire de 10 m de diamètre et murs de 2 m bien conservés sur une hauteur de 6 m et soigneusement appareillés en moyen appareil.
B. Le château
Sur la plate-forme castrale, le cadastre du XIXe siècle fait apparaître une structure circulaire dont la présence est confirmée par la prospection électromagnétique qui permet de connaître son diamètre hors d'œuvre (9 m) et l'épaisseur des murs (1.50 m) sans qu'on puisse être assuré de sa fonction.
Le second élément remarquable est constitué par un bâtiment de plan trapézoïdal de 16 m sur 8.50 m encore haut de 4 m et au parement soigneusement assisé comme les bases des tours de l'enceinte urbaine. Les murs atteignent 2.50 m d'épaisseur du côté nord et 1.50 m ailleurs et se dégradent de manière alarmante. Il est très vraisemblable qu'il s'agisse des vestiges du donjon. Les autres bâtiments détruits en 1467 et 1587 sont enterrés.
C. La Porte Haute
Elle contrôle l'accès au château et à la ville du côté du plateau. Le pont actuel remplace un ancien édifice en bois qui enjambait le fossé. La porte cochère présente encore les rainures des flèches du pont-levis. Elle est flanquée par une tour de 5 m sur 5.50 m qui a conservé ses étages et ses canonnières à la française datables de la fin du XVIe siècle. L'étude des parements confirme la datation de la tour. Ainsi il faut considérer que la Porte et ses tours correspondent à une reconstruction des défenses que l'on pourrait situer aux environs de 1587.
D. La collégiale
Construite vers 1184, l'église collégiale a fait l'objet de nombreuses recherches qui ont souligné son intérêt pour l'histoire de l'architecture religieuse lorraine. Elle constitue un bel exemple d'architecture romane influencée par les conceptions cisterciennes élaborées en Bourgogne. Elle servait aussi de chapelle pour l'évêque et son entourage. À côté, on trouvait un petit cimetière réservé aux chanoines. En 1586, les chanoines acceptèrent de laisser une chapelle latérale aux paroissiens pour y célébrer l'office car la vieille église Saint-Martin était devenue une ruine.
E. Les autres équipements
La ville haute possédait un four banal mentionné en 1422 et correspondant à l'emplacement de l'actuelle maison du Fournil. Un hôpital fut fondé en 1422 en remplacement de l'ancien établissement et fonctionna jusqu'en 1629. Les constructions actuelles indiquent que l'édifice fut totalement reconstruit au XVIe siècle. Une halle citée en 1531 se trouvait sur l'actuelle place de la Fontaine et les arcades qui l'entourent rappellent cette fonction. De nombreuses maisons édifiées au milieu du XVIe siècle attestent de la richesse de la population et de la prospérité de la petite cité épiscopale.
Departement
Commune
Code INSEE
54 318
Numero du Site
Jalons Chronologiques
XII - XVI s.
Nature du Site
seigneurial
Environnement
rural
Thematique Principale
Thematique Secondaire
Bibliographie
René Elter, Gérard Giuliato, "Liverdun (Meurthe-et-Moselle)", in : Hénigfeld Yves, Masquilier Amaury dir., Archéologie des enceintes urbaines et de leurs abords en Lorraine et en Alsace (XIIe-XVe s.), Dijon, SAE, RAE, 26e supplément, 2008, p. 139-154.
Operateur
Collection
Citer ce document
Histoire et Cultures de l'Antiquité et du Moyen Âge (EA1132 / HISCANT-MA) - Université de Lorraine, “Liverdun, bourg (Meurthe-et-Moselle),” IMAGE, consulté le 10 novembre 2024, https://image.hiscant.univ-lorraine.fr/ark%3A/67375/MGZ6VWKr99Ww.