Introduction
Les églises fortifiées sont l’expression visuelle de l’insécurité qui règne dans les campagnes à certaines périodes de l’Histoire.
Dès la seconde moitié du IXe siècle, il est fait mention de fortifications d’édifices religieux, principalement dans l’ouest de la France. Après le tournant de l’An Mil et l’apparition de centaines d'églises bâties en pierres dans le quart Nord-Est de la France actuelle, la période d’insécurité qui s’ouvre dès le XIIIe siècle dans les campagnes lorraines, oblige les communautés rurales à trouver différentes solutions face au brigandage et aux pilleurs. L’une de ces solutions fut de transformer partiellement certaines églises afin de les doter d’éléments de protection, actifs ou passifs. Lorsque le cas se présentait, un nouvel ouvrage, totalement fortifié, était conceptualisé. La plupart des régions françaises ont ainsi vu fleurir des éléments défensifs sur leurs églises. Dans le quart Nord-Est de la France, deux secteurs ont principalement connu cette adaptation : la Thiérache et l’ouest Lorrain. Si la Thiérache possède encore plus de 60 édifices fortifiés, à cheval sur les départements de l’Aisne et des Ardennes, l’ouest Lorrain comprend plus de 200 édifices, dont 101 recensés pour le seul département de la Meuse. Cette concentration est le reflet de l’insécurité locale liée souvent à l’absence de recours seigneurial à proximité. On y a longtemps vu une réponse aux dégâts causés par les différents conflits qui jalonnent le territoire lorrain à partir du milieu du XIVe siècle, et qui semblent également initier – ou du moins accélérer – la construction de maisons fortes. Cette conception doit cependant être reconsidérée à la lumière des dernières découvertes. Il a en effet été récemment démontré que l’église d’Allamps (54) est fortifiée dès le premier quart du XIIIe siècle, et il en est potentiellement de même pour celle de Champougny (55). Si les raisons de cette première vague précoce restent floues, la vague du XIVe siècle est issue des conflits entre l’évêque de Verdun et plusieurs féodaux gravitant autour du comte de Bar, mais aussi de la percée anglaise lors de la guerre de Cent Ans. Au XVe siècle, c’est le contexte lié aux rivalités entre Bourguignons et Armagnac qui entraine visiblement une nouvelle série de fortifications. Au XVIe siècle, ce sont les luttes entre Lorraine, France et Espagne qui incitent les populations à se protéger. Enfin, au cours du XVIIe siècle, la guerre de Trente Ans entraine une dernière séquence de fortification des églises.
Le caractère défensif des églises fortifiées se distingue par deux principaux caractères.
1 - L’aménagement de combles, généralement au-dessus de la nef et/ou du chœur, suffisamment hauts pour pouvoir abriter au moins temporairement plusieurs dizaines de personnes, ainsi que des vivres et du matériel, ces derniers pouvant y rester en temps de paix. Certains d’entre eux s’égaient de la présence d’une cheminée, de latrines, de larges fenêtres. Ces éléments composent un système de défense passive, auquel s’ajoute parfois un renforcement des murs.
2 - L’installation d’éléments dits de défense active, tels des archères, des assommoirs, des mâchicoulis, des bretèches, et plus tard, des canonnières ; ces dispositifs permettent de riposter aux assauts de l’adversaire pour espérer réduire leur temps de nuisance sur place.
Quatre de ces églises meusiennes fortifiées ont fait l’objet d’une couverture photographique au sein du Pôle Archéologique Universitaire, dans le cadre de missions diverses. Elles témoignent de la variété des solutions élaborées par les populations locales pour que leur église devienne, au-delà de son rôle d’asile spirituel, un lieu de retranchement où l’on peut vivre quelque temps et organiser la défense.